Atelier

À PROPOS D’ALTÉRATIONS-POPULATIONS

​Grande peinture de 12 mètres x 1m,60 , en six panneaux juxtaposés, huile et sable sur toile

Créer c’est se battre, faire sortir de ses mains et de sa tête son propre monde, inventer son moyen de l’exprimer, affronter l’horrible liberté qui vous chavire devant la surface blanche. Préparer cette surface d’empreintes, de résines, d’arrachages, de sables, c’est préparer une expérience de magie, ce n’est que descendre ou monter les premières  marches du puits.
Interroger ce terrain vierge tient du chamanisme, de la “cosa mentale” de Vinci, de Cro-Magnon faisant “sortir le bison” des parois de Lascaux, et, lorsque la vision s’impose, tout est dit, c’est alors le grand branlebas des couleurs. Je ne cherche pas à représenter, les figures s’imposent sans que je le décide, les animaux sont les symboles de mes errances intérieures, ils deviennent “l’Autre”, ”l’Étranger”. Au travers de l’Art, mes convictions et ma révolte s’expriment , sortent de moi. J’ai besoin de parler, de montrer, besoin de faire venir toutes les choses à la surface.
Je crée pour me surprendre et me connaître. Je dénonce la violence et l’état de souffrance de nos sociétés avec les signes de mes voyages intérieurs. Questionnement sur soi et le monde.
Dans ce monde la femme est une proie, le roi se prélasse, l’autre, “l’animal”, attaque, s’indiffère ou se délecte. Seul l’enfant silencieux, les sens en éveil, sensuel et visionnaire, observe, sans l’écran du savoir et des mots “paroles”. Il lui faut investir ce monde, un monde grouillant, peuplé, lunaire, altéré, d’où la couleur rouge du sang a disparu d’être trop présente.
Car c’est dans ce monde qu’il faut vivre.

“L’AMATEUR N°224” NAISSANCE DE L’OEUVRE

Sur la toile préparée couverte d’une sorte de peau épaisse, tenace et striée de mille grosses rides, à partir de maintenant j’aurai l’impression de travailler sur une surface vivante.
Alain Lacoste dit que là, je fais “sortir le bison”, Léonard parlait, lui, pour faire sortir de ce chaos une vision organisée, de “cosa mentale”. Mais la réalité du travail n’est pas intellectuelle, elle est intuitive et jaillissante. Il s’agit d’un travail qui va durer de nombreux jours au cours desquels je vais me poser face au tableau et l’interroger. Voilà pourquoi je ne peut plus me séparer du tableau, on ne sépare pas la peinture du peintre. Il me faut une véritable “intimité” avec le tableau, d’ailleurs, tout le reste est évacué, négligé, la vie tourne autour de la toile.
Peu à peu la vision se précise et s’impose : des personnages sortent de l’ombre, les animaux de leurs tanières, les arbres poussent, le ciel et la terre découvrent leur vie cachée. Difficilement les couleurs s’imposent, les formes se dessinent et surtout tout ce que je peux interpréter, va comme à une source, ou en vient. Ce n’est pas moi qui peins, c’est ma main et elle fait naître quelque chose qui préexistait peut-être. La toile ne serait pas blanche, le tableau invisible que je dois comprendre et faire exister, l’angoisse de ne pas se tromper apporte des torrents de souffrances et de jubilation.
Regarder le tableau 24 heures sur 24 (ou presque).
Des choses changent, des éléments se poussent, trouvent d’autres couleurs, d’autres formes, la peau de sable et ses empreintes donne lieu à maintes interprétations.
Avec le “savoir faire”, le “métier” qu’apportent les années il ne s’agit pas de recycler ses formes, ses couleurs mais de faire réagir sa personnalité, nous ne sommes pas démunis : rêves, lectures, voyages, informations, tout autour de nous nous nourris.
À ce stade là j’ai confiance, je sais que quelque chose va sortir et s’imposer au cœur même du travail de la peinture. Dans mes travaux toujours très pleins, sous le signe de la profusion, tout s’encastre. Mon ciel s’habite, ma terre pullule. C’est exactement comme ça que je vois la vie, avec des horizons lointains, mais aussi des génies tapis sous des brins d’herbe.
Lorsque la fin du travail s’approche, la tension monte, l’angoisse de la création mise à jour, nue, comme l’artiste qui a donné tout ce qu’il a pu. C’est la fin d’un combat, d’une quête, mais rien ne va plus, rien ne me plait plus. Il me faudra encore le regarder pendant le long séchage de l’huile pour le cerner et m’en détacher : il est fini.
Par la suite il me plait à nouveau, je m’y sens bien, je le retourne et les formes ne tombent pas. Plus tard, des années après, je le regarderai comme une entité. J’aurai tout oublié, je me demanderai même comment j’ai pu le faire et il m’arrivera de penser que je serais incapable de le refaire. L’œuvre est unique, c’est parfait, c’est normal, c’est le but.
« Le véritable artiste est celui qui est capable de construire une scène imaginaire dans un désert vide ». Salvador Dali (mon pas favori peintre).

 

 

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